« L’hypersensibilité est une de mes plus grandes forces »
Dans notre société, l’hypersensibilité est parfois perçue comme une fragilité. Pourtant, le fait d’être particulièrement réceptif à ce qui nous entoure pourrait être une vraie richesse dans tous les aspects de notre vie. A l’occasion de la journée mondiale de l’hypersensibilité ce vendredi 13 janvier, nous avons rencontré le Dr. Judith Orloff, psychiatre et auteure du ‘Guide de survie des hypersensibles empathiques’. Dans cette interview, l’experte revient sur la manière dont sa vie s’est transformée apprenant à vivre avec son hypersensibilité. Elle nous explique en détails ce que veut dire être « hypersensible » et révèle ses conseils pour en faire une force.
Quels quelques traits d’une personne hypersensible ?
La caractéristique la plus marquante d’une personne hypersensible est qu’elle absorbe les émotions. Elle filtre le monde par son intuition et peut donc avoir du mal à intellectualiser ce qu’elle ressent. D’autres traits sont : avoir besoin de passer du temps seul, avoir une bonne intuition, être introverti, se sentir submergé dans les relations intimes, être une proie pour les personnes intrusives et avoir besoin de se ressourcer dans la nature.
Quelles sont les difficultés auxquelles les hypersensibles peuvent faire face ?
Quand on ne sait pas encore comment gérer sa sensibilité, on peut se sentir dépassé par nos émotions. Cela peut conduire à de la fatigue, des crises de panique et des périodes de dépression. On peut abuser de la nourriture, voire même de la drogue pour tenter de se soulager. La surcharge sensorielle qu’on ressent peut être très difficile à gérer, alors il est essentiel de passer du temps seul.
Pourquoi certaines personnes sont-elles hypersensibles et d'autres non ?
Par mon expérience en tant que psychiatre, je distingue deux grands facteurs qui contribuent à la sensibilité de chacun :
- La génétique : certains sont naturellement plus sensibles que d’autres dès la naissance. Il y a des bébés, par exemple, qui sont plus sensibles que d’autres à la lumière, au toucher, au mouvement, à la température et au son. Il y a plus de chances qu’ils deviennent des personnes hypersensibles.
- L’enfance : les parents montrent l’exemple à leurs enfants, alors leur rôle est essentiel. Si, par exemple, un enfant est maltraité, élevé par un parent narcissique, qui souffre d'alcoolisme ou de dépression, cela peut détruire ses défenses émotionnelles. Mais les parents qui soutiennent leurs enfants peuvent les aider à développer leurs dons.
Dans les deux cas, la personne hypersensible ne sait pas se défendre naturellement contre les émotions des autres.
Vous vous considérez vous-même comme une personne hypersensible. Qu’est-ce qui vous en a fait prendre conscience ?
Comme beaucoup d’enfants hypersensibles, j’ai toujours eu l’impression d’être à l’écart. J’avais parfois même l’impression d’être un ovni. J’étais enfant unique, alors j’étais souvent seule et j’avais l’impression que personne ne me comprenait. J’évitais les endroits bondés, car ils me rendaient fatiguée et anxieuse. Pendant mon adolescence, j’ai commencé à consommer de la drogue et de l’alcool pour apaiser ma sensibilité (ce que je ne recommande pas !). C’était une façon d’avoir enfin une vie sociale. Mais suite à un accident de voiture à cette période, mes parents m’ont envoyée chez un psychiatre. Je n’avais pas envie d’y aller, mais ce fut le début d’une grande prise de conscience : pour pouvoir être moi-même, je devais accepter ma sensibilité au lieu de la fuir.
Quand est-ce que vous vous êtes rendu compte que votre hypersensibilité pouvait être une force ?
Dans mon travail, je combine la médecine conventionnelle avec ma sensibilité et j’estime que c’est une de mes plus grandes forces. Quand j’ai commencé en tant que psychiatre, je ne me servais pas du tout de mon intuition. Puis un événement a tout changé. J’avais une patiente qui souffrait de dépression et lors d’une séance avec elle, mon intuition m'a dit qu’elle allait mal. Je n'ai pas écouté cette intuition, car la patiente avait l’air de faire beaucoup de progrès. Cependant, quelques jours après la séance, elle a dû être hospitalisée. Depuis cet événement, je me fie beaucoup plus à ce que je ressens dans mon travail.
Quelles sont quelques stratégies pour tirer les bienfaits de son hypersensibilité ?
Méditer, méditer, méditer ! Je conseille aussi les exercices de respiration pour le stress et limiter son exposition aux médias. On peut aussi s’entraîner à ne pas se laisser envahir par les émotions en fixant des limites saines dans nos relations. Si on sent qu’on commence à ressentir le stress des autres, on peut se ressourcer en passant du temps seul. Je suggère aussi de s’ancrer dans le moment présent en prenant les choses au jour le jour pour ne pas se laisser submerger.
Quant aux personnes moins sensibles, pensez-vous qu’elles peuvent aussi apprendre à se servir de leur sensibilité ?
Absolument, je pense même que l’empathie est une forme de médecine qui peut nous servir dans tous les aspects de notre vie. Même au travail, la sensibilité permet de mieux comprendre un collègue ou un manager, par exemple, même si on n’est pas d’accord avec eux. Et comprendre ses émotions ouvre la porte à la communication, à la tolérance et à la compréhension. Je propose même de stages pour les entreprises pour booster leur productivité de cette manière, en améliorant le bien-être psychologique des employés grâce à l'intelligence émotionnelle.
Retrouvez plus d'informations sur le Dr. Judith Orloff et ses stages sur l'hypersensibilité sur son site internet www.drjudithorloff.com.